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Aux États-Unis, le révisionnisme est protégé par le premier amendement, en tant l’expression pacifique et universitaire d’une opinion. Il est donc parfaitement légal de parler, d’écrire et de publier des thèses révisionnistes. Il n’en va pas de même en Australie, au Canada, dans bien des pays d’Europe et en Israël.

Les persécutions à l’encontre du révisionnisme sont justifiées au titre que ses théories constitueraient une insulte envers les juifs et qu’il est illégal d’accabler d’insulte ceux qu i ont souffert pendant la seconde Guerre mondiale. Bien que le révisionnisme ne concerne pas les juifs en tant que tels (quoique ce soit le cas pour certains soutiens du révisionnisme), les chefs de file de la plupart des communautés juives se sentent violemment offensés par les thèses révisionnistes, car directement ou indirectement, elles concluent que plusieurs personnalités juives n’ont pas toujours été honnêtes lorsqu’elles ont témoigné au sujet de ce qu’elles vécurent pendant la seconde Guerre mondiale.

Il serait, bien sûr, très surprenant que les juifs forment le seul peuple au monde à ne jamais mentir, déformer, exagérer ou simplement se tromper ; mais les chefs de file juifs, ainsi que bon nombre de dirigeants occidentaux, considèrent que personne ne devrait être autorisé à affirmer que certains juifs ont menti au sujet de l’Holocauste.
Cependant, d’un point de vue légale, le révisionnisme devrait en théorie être parfaitement légal dans tous les pays d’Europe, car ces pays ont signé la Convention européenne des droits de l’homme, qui oblige les États signataires à respecter la Déclaration universelle des droits de l’homme. Or cette déclaration stipule que la liberté d’expression ne peut être limité que dans le cas de l’insulte ou de l’appel à commettre un crime, tandis que la liberté de recherche scientifique et l’expression pacifique des thèses qu’elles génèrent ne peuvent jamais être limité (en théorie).

Voilà pourquoi la thèse de doctorat allemande Die Strafbarkeit des Auschwitz-Leugnens1 (Du caractère répréhensible des mensonges concernant Auschwitz) est arrivée à la conclusion que le révisionnisme de l’Holocauste n’est en lui-même pas condamnable, car son interdiction constituerait une violation des droits de l’Homme. Cependant, il en va tout autrement dans les faits. Alors comment cette divergence entre l’idéal et le réel est-elle justifiée ?

Pour justifier cette violation flagrante des droits civiques, on prétend que les thèses révisionnistes, même lorsqu’elles sont exposées sobrement et pacifiquement, pourraient constituer une incitation à la haine (principalement contre les juifs) et même une menace l’ordre public. Toutefois, aucune thèse sur des faits historiques, appuyée par des preuves et exposé sobrement, n’a jamais provoqué de tels troubles, quand bien elle brisait un tabou. Si certaines personnes réagissent de manière excessives face auxdites thèses, le problème provient alors de ces personnes — de leur conditionnement éducatif ou social — ou de la société elle-même qui a bâtit un tabou en premier lieu.

L’allégation selon laquelle le débat sur persécution des juifs durant la seconde Guerre mondiale constituerait une incitation à la haine, n’est donc qu’un mensonge. Si pareil principe était universellement appliqué, il pourrait être employé abusivement et mener à l’interdiction de tout débat, dès lors qu’un groupe suffisamment influent se sentirait blessé ou menacé par une idée nouvelle. En fait, le concept d’«ordre public» est régime autoritaire pour censurer les idées divergentes, sans regard pour leur légitimité.

La seule loi nécessaire pour encadrer la liberté d’expression est la suivante : tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement sur tout sujet, sauf à promouvoir, cautionner, justifier ou appeler à la violation des droits des autres citoyens. De fait, comme tous les actes qui menacent véritablement l’ordre public — appel à la révolte violente, insurrection, putsch, émeute, pogrom, nettoyage ethnique et autres — appellent immanquablement à violer les droits civiques des autres, le concept d’«ordre public» devient obsolète et ne peut plus être employer à mauvais escient par les autorités pour censurer des opinions légitimes et pacifiques quoique controversées.

Les lois anti-révisionnistes sont également justifiées, en particulier dans les pays germanophones, par le raisonnement suivant :
Afin d’empêcher qu’une fois de plus des minorités soient persécutées, des dissents emprisonnés et des livres brûlés comme cela se produisit dans le passé [national-socialiste], nous devons, pour un fois, persécuter d’autres minorités, emprisonner une autre sorte de dissidents et brûler leurs livres.

Ce sophisme n’appelle aucun commentaire, tant il est vicié. Nous sommes là en présence d’une loi promulguée démocratiquement quoique tyrannique, qui permet à la majorité de tout bonnement censurer une minorité pacifique. Dès lors, ce n’est pas le révisionnisme de l’Holocauste qui est illégal en soi, mais les loi qui le proscrivent. Le philosophe Henry David Thoreau a très bien résumé cette idée, lorsqu’il écrivit voilà 160 ans :

Il est des lois injustes — devons-nous tout simplement leur obéir, ou devons-nous entreprendre de les amender, et leur obéir jusqu’à ce que nous ayons obtenu gain de cause, ou bien encore devons-nous les transgresser d’emblée ? Sous le genre de gouvernement qui est le nôtre, les hommes, en général, jugent qu’ils doivent attendre d’avoir convaincu la majorité de la nécessité de modifier les lois. Ils jugent que, s’ils résistaient, le remède serait pire que le mal. Mais c’est la faute du gouvernement lui-même si le remède est effectivement pire que le mal. C’est le gouvernement qui le rend ainsi. Pourquoi n’est-il pas plus prompt à organiser la réforme ? Pourquoi ne chérit-il pas la sagesse de la minorité ? Pourquoi crie-t-il, pourquoi résiste-t-il avant même d’avoir mal ? Pourquoi n’encourage-t-il pas ses citoyens à être vigilants et à pointer ses failles, t à agir mieux qu’il ne leur demande ? Pourquoi s’acharner à crucifier le Christ, à excommunier Copernic et Luther, et à traiter Washington et Franklin de rebelles ?
[…]
Sous un gouvernement qui emprisonne quiconque injustement, c’est en prison que l’homme juste est à sa juste place.
[…]
Toute minorité est impuissante tant qu’elle se conforme à la majorité. Elle n’est alors même pas une minorité. Mais elle est irrésistible lorsqu’elle fait obstruction de tout son poids. S’il le choix doit se jouer entre maintenir tous les justes en prison ou mettre un terme à l’esclavage et à la guerre, l’État n’hésitera pas2.

Ou pour reprendre les mots de Gandhi, qui s’est inspiré des écrits de Thoreau : «Les hommes seront asservis aussi longtemps qu’ils croiront devoir obéir à des lois injustes.3