• Que faites-vous des camps de Treblinka, Belzec, Sobibor?
  • Pourquoi envoyer le personnel de l’euthanasie dans ces camps, si ce n’était pour gazer les juifs?
  • Les fosses retrouvées à Treblinka, Belzec, Sobibor ne sont-elles pas la preuve d’une extermination?
  • Les archéologues n’ont-ils pas retrouvé des restes de chambres à gaz dans ces camps?

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Que faites-vous des camps de Treblinka, Belzec, Sobibor? Pourquoi y envoyer le personnel de l’euthanasie, si ce n’était pour gazer les juifs?

Des mutations sans rapports avec une extermination

Vous m’opposerez sans doute, Madame, que l’ancien directeur du centre d’euthanasie de Brandenburg, Christian Wirth, figura parmi les premiers arrivés en Pologne1, et qu’il fut très rapidement nommé commandant du camp de Belzec2. C’est exact ; cependant, Christian Wirth n’était pas médecin, mais simple officier de Police3. À son procès, Viktor Brack rappela ce fait, puis souligna que loin d’avoir été le directeur du centre d’euthanasie de Brandenburg, Christian Wirth en avait seulement dirigé le bureau des enregistrements4 : il avait donc été affecté à une simple tâche administrative qu’un fonctionnaire de Police pouvait accomplir. Pressé par l’Accusation, Viktor Brack confirma que Christian Wirth n’avait pas participé l’euthanasie proprement dite, ce travail ayant été réservé à médecins professionnels5. Peu auparavant, l’accusé principal, le docteur Karl Brandt, avait souligné à propos de Wirth et d’autres : «Je suis certain que, parmi les personnes dont je sais qu’elle furent envoyées à l’Est, aucune le ne fut pour exterminer les Juifs ou pour y pratiquer une quelconque stérilisation6. » 

À cela, vous m’objecterez qu’en juillet 1942, l’ancien directeur de Brandenburg, le docteur Imfried Eberl, un médecin très actif dans le programme de l’euthanasie, fut nommé directeur de Treblinka. Là encore c’est exact : une lettre de Viktor Brack datée du 23 juin 1942 et adressée à Himmler confirme qu’une partie du personnel de l’action T4 participa à l’action Reinhardt, c’est-à-dire aux déportations massives de Juifs :

Christian Wirth

photographie, vers 1945 (Yad Vashem). 
Karl Brandt

photographie, 1946-1947 (Hedwig Wachenheimer Epstein).  
Imfried Eberl

Sur les instructions du Reichsleiter Bouhler, voilà quelque temps, j’ai mis certains de mes hommes à la disposition du Brigadeführer Globocnik afin qu’il exécute sa mission spéciale. Suite à sa nouvelle requête, j’ai transféré du personnel supplémentaire. À cette occasion, le Brigadeführer Globocnik déclara que d’après lui, toute l’action juive devrait être achevée aussi vite que possible afin que si, un jour, des difficultés rendaient son arrêt nécessaire, elle ne soit pas qu’à moitié terminée7

Ce document confirme que fin 1941, le personnel de l’Action T4 envoyé à l’Est ne fut pas uniquement chargé de soigner les soldats blessés sur le front, mais qu’une partie se retrouva dans les camps de l’action Reinhardt, c’est-à-dire dans les camps où les Juifs étaient envoyés. Les historiens nous expliquent que sa mission consistait à exterminer systématiquement les Juifs en les gazant avec du monoxyde de carbone. Bien que tragique, la vérité est ailleurs. Pour la comprendre, il faut se souvenir que sur le front de l’Est, dans le cadre de cette guerre à mort, les Allemands supprimèrent des gens qui, à leurs yeux, représentaient un danger idéologique, un risque sanitaire ou, tout simplement, un fardeau.

Des faibles éliminés du fait des circonstances d’une guerre totale
Le cas de l’asile de Markarevskaja

Par exemple, une lettre datée du 2 décembre 1941, adressée au commandant de l’Einsatgruppen A, nous apprend que, début décembre 1941, les Allemands découvrirent, à Markarevskaja (lieu-dit situé 20 kilomètres au nord-est de Liouban8), un asile où vivaient 230 à 240 femmes : des mentalement déficientes, des épileptiques et des syphilitiques, dont une assistante médicale et une directrice s’occupaient tant bien que mal9. Les réserves de nourriture étaient presque épuisées et les médicaments manquaient. Sachant en outre que des patientes pouvaient sortir librement, elles constituaient un danger de contamination et d’épidémie, non seulement pour la population locale, mais aussi pour les soldats allemands cantonnés dans les alentours afin d’assurer la lutte contre les partisans10. Une autre lettre, celle-ci datée du 3 janvier 1942 et adressée au quartier général du XXVIIIe corps d’armée, nous apprend que, face à cette situation, l’asile fut liquidé avec ses internées11. Si la méthode semble expéditive, il faut toutefois noter que trois semaines de discussions furent nécessaires pour que la terrible décision soit prise. 

Des Juifs typhiques…

Ailleurs, des Juifs qui représentaient un danger de typhus furent traités de la même manière. Le 10 janvier 1941, le Wisconsin Jewish Chronicle, hebdomadaire juif américain, annonça qu’une épidémie de typhus sévissait dans le ghetto de Lodz : 

Les troupes nazies ont coupé le ghetto du reste de la cité avec une barrière de fil barbelés haute d’un mètre 80, gardée nuit et jour par des patrouilles de soldats nazis lourdement armés ; ils ont l’ordre de tirer sur toute personne qui tenterait de fuir du ghetto12

Un an plus tard, ce même organe écrivit que, sur ordre venu de Berlin, les Juifs porteurs du typhus étaient tués : 

D’après la presse, un ordre officiel venu de Berlin approuve l’exécution des Juifs porteurs du typhus dans les territoires de Pologne sous administration nazie, dans les pays de la Baltique et en Ukraine. L’ordre déclare que les Juifs montrant un quelconque symptôme de maladie contagieuse doivent être fusillés, tout particulièrement dans les lieux où il n’y a pas de ghetto. Tous leurs biens doivent être immédiatement détruits, précise l’ordre. La fusillade de Juifs infectés se poursuit depuis que le typhus s’est répandu parmi les soldats allemands. Les derniers rapports parvenus ici révèlent qu’outre des centaines de Juifs abattus en Pologne, de nombreux Juifs ont été fusillés à Vilkomir et dans d’autres cités de la Baltique, à l’Est de l’Europe13

Le rapport d’activité de l’Einsatrgruppe A daté du début 1942, confirmait partiellement : 

Entasser ensemble les Juifs dans la plus petite surface possible, comme c’est le cas dans tous les ghettos, provoque naturellement un grand danger d’épidémies, danger qui est combattu autant que possible par les médecins juifs. Dans des circonstances isolées, des Juifs atteints de maladies contagieuses ont été sélectionné sous le prétexte de les conduire dans des homes pour personnes âgées ou à l’hôpital ; ils ont été exécutés14

Les Juifs malades étaient donc parfois éliminés afin de ne pas amplifier le danger d’épidémie déjà si présent.

… mais aussi des soldats allemands

J’ajoute que d’après certains autres rapports, sur le front de l’Est, les médecins militaires euthanasiaient non seulement les soldats très grièvement blessés, mais aussi ceux « qui menaçaient d’infecter leurs camarades ». Ils leur injectaient de l’air dans les artères, provoquant ainsi une embolie fatale15. Quand on connaît la rudesse de cet hiver 1941 et les conditions sanitaires inquiétantes, ces gestes de médecins peuvent se comprendre. 

Les fosses retrouvées à Treblinka, Belzec, Sobibor ne sont-elles pas la preuve d’une extermination?

La raison des exécutions dans les camps de l’Aktion Reinhard

Maintenant, je vous recommande, Madame, la lecture du chapitre 8, intitulé « les trains de la mort », du livre Belzec, Sobibor, Treblinka d’Yitzhak Arad16 : vous y découvrirez les horribles conditions dans lesquelles s’effectua le transport de certains déportés. En effet, il va de soi qu’une opération d’une telle ampleur, organisée dans la précipitation en pleine guerre, ne pouvait conduire qu’à des drames humains. Raul Hilberg rappelle : 

Pendant l’été 1942, il se produisit un engorgement du trafic ferroviaire dans le Gouvernement général ; quant à la ligne conduisant à Sobibor, elle était en réfection. À Belzec, les opérations furent réduites et interrompues, et à Sobibor cet arrêt momentané se prolongea. Mais Treblinka recevait des convois au point d’être saturé, et des monceaux de cadavres non incinérés, parvenus à divers stades de décompositions, accueillaient les arrivants17

Il n’est guère difficle de se représenter ce qui arrivait lorsque, dans ces camps de transit, parmi les milliers de Juifs débarqués tous les jours, figuraient des malades, des vieillards ou des handicapés affaiblis par un terrible voyage. Plutôt que d’envoyer ces pauvres gens plus à l’Est, c’est-à-dire vers une mort certaine à très breve échéance, les Allemands les éliminait. Dans son ouvrage intitulé Belzec, Carlo Mattogno publie un rapport du lieutenant de police Westermann daté 17 septembre 1942. L’auteur écrivait : « Le 7 septembre, 300 juifs affaiblis par l’âge, contaminés, impotents et non transportables ont été exécutés18 ». C’est terrible, j’en conviens, mais ce n’est pas la preuve qu’un génocide aurait décidé en haut lieu. 

Des fosses qui témoignent contre une extermination planifiée

Maintenant, que faisait-on de ces cadavres dans ces camps démunis de crématoires ? On les enterrait là où l’on pouvait. D’où ces fosses communes retrouvés lors de fouilles récentes, non seulement à Belzec (cf. figures 10.1), mais aussi à Sobibor (cf. figures 10.2).

Figure 10.1 
« La carte du cimetière (fosses d’inhumation) et les objets sans lien avec le cimetière, réalisée à la lumière du sondage », plan , tiré de Bełzec : the Nazi camp for Jews in the light of archaeological sources : excavations 1997-1999 de Andrzej Kola (Washington : United States Holocaust Memorial Museum, 2000), figure 17. 
Figure 10.2
« Plan des excavations réalisées en 2000-2001 à Sobibór (tiré de Badania archeologiczne terenu byłego obozu zagłady Zydów w Sobiborze de A. Kola (Przeszłosc i Pamiec. Biuletyn Rady Ochroni Pamieci Walk i Meczenstwa, 2001), p. 122) », plan, tiré de Excavating Nazi Extermination Centres de Isaac Gilead (Present Pasts, 2010), figure 12. 

Leur absence de forme et leur emplacement désordonné trahissent la précipitation et l’improvisation. À Belzec, d’ailleurs, leur profondeur est très irrégulière (cf. figures 10.3), ce qui renforce l’impression d’improvisation.

Figure 10.3 
« La fosse d’inhumation n° 20. La carte et le plan en coupe de la fosse », plan , tiré de Bełzec : the Nazi camp for Jews in the light of archaeological sources : excavations 1997-1999 de Andrzej Kola (Washington : United States Holocaust Memorial Museum, 2000), figure 37. 

De façon évidente, ces exécutions ne furent pas réalisées pas dans le cadre d’un génocide ordonné, planifié et froidement exécuté.

Les archéologues n’ont-ils pas retrouvé des restes de chambres à gaz dans ces camps?

Des fouilles aux bien maigres résultats…

À Treblinka enfin, des restes humains furent découverts peu après la guerre par les Soviétiques. Cependant, dans aucun de ces trois petits camps ne fut trouvé la moindre preuve matérielle indubitable de l’existence d’une chambre à gaz homicide. 

En 2010, 2012 et 2013, Treblinka fut fouillé par l’archéologue Caroline Sturdy Colls, professeur en archéologie des conflits et recherche sur les génocides à l’Université de Staffordshire. En 2014, elle présenta le fruit de ses recherches dans un exposé délivré lors du colloque international « Archéologie de la violence ; violence de guerre, violence de masse », organisé par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), du 2 au 4 octobre 2014 au musée du Louvres-Lens. À propos des “chambres à gaz”, Caroline Sturdy Colls parle d’une structure découverte, mesurant 22 m sur 15 m : 

Des témoignages ainsi que des documents d’archives suggèrent qu’il pourrait s’agir des anciennes chambres à gaz. Afin de le confirmer, une petite tranchée expérimentale a été creusée au centre de la structure en 2013. 

Une grande quantité de matériaux de construction a été retrouvée dans cette zone, en particulier des carreaux de céramique orange et jaune portant une étoile et les lettres D et L sur l’envers (fig. 219)20

Figure 10.4 
« Carreaux de céramique retrouvés au camp d’extermination de Treblinka et provenant probablement des anciennes chambres à gaz », photographie (Centre of Archaeology) tiré de Violences de guerre, violences de masse. Une approche archéologique de Jean Guilaine et Jacques Semelin, dir.  (Paris : La Découverte, 2016), p. 269, fig. 2

S’agit-il de restes attestés d’une chambre à gaz ? Non là encore. Deux carreaux sont montrés (cf. figures 10.4). La légende porte : « Carreaux de céramique […] provenant probablement des anciennes chambres à gaz ». Le mot « probablement » indique bien que ces carreaux ne démontrent en rien l’existence de chambres à gaz à Treblinka. 

J’ajoute que si Treblinka fut un camp de transit, alors il devait être doté de locaux sanitaires : ces carrelages pourraient donc en provenir… Nous ne pouvons non plus exclure qu’ils aient été installés soit à l’infirmerie, soit à la cuisine, car il fallait bien cuisiner, ne serait-ce que pour nourrir l’équipe des gardiens. Bref, ces deux carreaux ne sont pas la preuve d’une extermination de masse par gazage. 

Caroline Sturdy Colls parle ensuite « d’autres fouilles de petite envergure entreprises pour tenter de localiser les nouvelles chambres à gaz », qui ne furent guère plus fructueuses : l’archéologue explique : « Il est […] possible qu’une partie des matériaux de construction retrouvée près de la surface soit issue des nouvelles chambres à gaz dont on pense qu’elles étaient situées non loin21. » Autrement dit : malgré leurs sondages, les chercheurs n’ont pas pu localiser les prétendues « nouvelles chambres à gaz ». 

Quant aux restes humains découverts, ils « n’étaient pas enterrés dans des fosses communes, ils étaient dispersés et n’avaient jamais été inhumés22 » : les « constatations démontrent que tous les restes des victimes n’étaient pas incinérés, contrairement à ce que suggèrent les sources documentaires23 ». Dès lors, il s’agit, à mon avis, de pauvres gens décédés lors de leur déportation, au moment où le camp s’apprêtait à fermer : étant données les conditions dans lesquelles ces déportations furent menées, la mort de nombreux juifs au cours de leur transport ne surprend pas. 

Caroline Sturdy Colls échouet donc à démontrer que Treblinka aurait été un camp d’extermination de masse avec chambres à gaz. Elle nous promet des fouilles complémentaires avec, au final, la parution d’un livre24.

… maigres résultats qui confirment que les camps de l’Aktion Reinhard étaient de simples camps de transit

Notons que voilà 25 ans, Jean-Claude Pressac réduisit considérablement les bilans de ces prétendus camps d’extermination25. La figure 10.5 montre un graphique réalisé par mes soins qui illustre cette révision à la baisse. Personnellement, je pense que dans les camps de Belzec, de Sobibor et de Treblinka, les morts juives se comptèrent par dizaines de milliers. Il s’agissait de vieillards, d’handicapés, de femmes enceintes, d’enfants et de malades, tous décédés dans les trains ou euthanasiés à leur arrivée au camp. C’est tragique, je le reconnais sans peine, mais cela explique pourquoi du personnel précédemment chargé de l’euthanasie fut envoyé dans les camps de transit. Cette réaffection était sans rapport avec un massacre planifié et froidement organisé.  

Figure 10.5 
Graphique représentant les différences entre les différentes estimations du nombre de morts dans cinq camps, basé sur les props de Jean-Claude Pressac dans « Entretien avec Jean-Claude Pressac », propos recueillis par Valérie Igounet et publiés dans Histoire du négationnisme en France, XXe siècle (Paris : Seuil, 2000), p. 640.

Pour étayer cette affirmation, j’analyserai le cas de Belzec. Les archéologues qui ont fouillé l’endroit précisent que les fosses découvertes mesurent au total 5.200 m² pour 21.000 m3 26. Cela donne une profondeur moyenne de 4 m. Sachant qu’un charnier est généralement recouvert d’un mètre de terre au minimum, cela laisse un volume disponible de 15.600 m3. En se basant sur les calculs de Edward O. Wilson (qui estime que sept millions d’humains pourrait tenir dans un cube d’un kilomètre d’arête27), on en déduit que dans 1 m3 peuvent s’entasser sept cadavres d’adultes. Supposons que l’on puisse y ajouter quatre enfants, cela représente 11 corps, soit 6,5 corps par m3. Cela nous amène à conclure que, dans ces fosses, un grand maximum d’environ 100.000 corps furent enterrés. Nous sommes loin, très loin, des 600.000 allégués par la thèse officielle.

Certains me rétorqueront : « 100.000 ou 600.000, quelle différence ? » Je répondrai un invoquant le télégramme du Sturmbannführer Höfle28. Découvert récemment, il informait Berlin que, pendant le temps de l’Aktion Reinhardt, 434.508 personnes étaient passées par Belzec. Selon toute évidence, il s’agissait en quasi-totalité de Juifs. Même en admettant 100.000 morts (ce qui me paraît trop élevé), nous en déduit que les trois quarts des Juifs transportés à Belzec ont bel bien transité par ce camp pour être ensuite envoyés plus loin vers l’Est. Ce fait confirme ce qu’avait déclaré Höfle lors de l’ouverture du camp, à savoir qu’il serait possible d’y recevoir quotidiennement quatre ou cinq transports d’environ mille Juifs chacun29. « Ces Juifs passeraient la frontière et ne retourneraient jamais plus dans le Gouvernement général30 ». Il s’agissait donc bien d’expulser ces gens vers l’Est, et non de les gazer. 

Ceci était conforme à la lettre que, le 31 juillet 1941, Hermann Göring avait envoyée à Reinhard Heydrich, dans laquelle il lui commandait d’organiser les préparatifs pour une solution complète de la question juive « par la voie de l’émigration ou de l’évacuation31 ». Je note d’ailleurs que tout comme à Treblinka,les archéologues échouèrent dans leur tentative de découvrir un reste incontestable de “chambre à gaz” homicide à Belzec.