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Pourquoi une preuve documentaire de la Shoah est-elle nécessaire ? Les tueries locales ne constituent-elles pas déjà une preuve ?

Certains vulgarisateurs persistent à prétendre que « la décision de procéder à la liquidation physique de tous les juifs du continent européen [aurait été] prise au tournant de l’été 19411 ». Cette thèse leur permet de présenter les fusillades perpétrées par les Einsatzgruppen en Union soviétique comme la première étape d’un génocide ordonné puis planifié en haut lieu. Toutefois, cette thèse est fausse, comme l’explique plusieurs historiens orthodoxes. Commençons par le chercheur britannique Lawrence Rees qui, après avoir évoqué l’action des Einsatzgruppen et cité des discours sinistres de dirigeants allemands, déclare : 

Malgré cela, ces indices n’impliquent pas nécessairement qu’à l’automne 1941, une décision définitive aurait été prise d’assassiner tous les juifs vivant en Europe occupée. Une interprétation plus nuancée des événements survenus à l’automne 1941 affirme qu’Hitler autorisait l’envoi des Juifs à l’Est, mais seulement si et quand c’était possible, la priorité étant toujours accordée aux besoins de la Wehrmacht2

Plus précis, David Cesarani explique : 

À l’automne 1941, la confusion régnait dans la politique anti-juive du IIIe Reich. La décision d’Hitler, en septembre 1941, de permettre la déportation vers l’Est des Juifs du Reich et de la Pologne occupée fut prise sans penser sérieusement à où ils iraient. De même, aucune politique claire n’avait été mise en place afin de fixer leur destin une fois arrivés à destination, quelle qu’elle fut. Seraient-ils parqués dans des ghettos ? Ou fusillés ? La déportation concernerait-elle les demi-juifs et les juifs privilégiés ? Si oui, seraient-ils, eux aussi, fusillés ? Les déportations provoquèrent de nouvelles vagues de massacres et des expériences pour tester des techniques nouvelles de tuerie en masse, mais il s’agissait de solutions locales improvisées dans l’urgence, pour faire à des problèmes provoqués par les décisions prises à la légère à Berlin ou à Prague3. 

Cette thèse est résumée par Tal Bruttmann : ayant parlé des tueries à l’Est, l’historien souligne : 

Il ne s’agit pas encore de la Solution finale, l’assassinat systématique et coordonné, mais d’un ensemble de décisions prises localement par les pouvoirs nazis en place4. 

Faut-il en déduire que, d’après la thèse officielle, le génocide des Juifs n’aurait pas été ordonné en haut lieu, mais qu’il aurait découlé de toutes ces initiatives locales ? Non. L’historien Georges Bensoussan, explique: 

On ne décide pas d’un génocide aussi puissant, aussi massif sur le terrain, sur un continent de sucroit peuplé, où des témoins oculaires sont là par millions — le génocide ne se passe pas dans le désert du Sahara — simplement sous le fait, sous la pression des événements, comme si un petit chef local avait pris sur lui d’assassiner tel ou tel Juif de telle ou telle bourgade d’Ukraine ou de Biélorussie ou des pays baltes, ceci en entrainant un autre et en entrainant un autre et , processus cumulatif, on serait arrivé à six millions de victimes. Ce n’est pas comme ça que ça se passe. En réalité il y a bel et bien une décision politique au plus haut niveau, dont on sait aujourd’hui de plus en plus qu’elle a probablement été prise entre le 20 octobre et le 10 décembre 1941. Vous voyez, le laps de temps est finalement très court : ça fait six semaines. C’est durant ces six semaines-là qu’à Berlin, au plus haut niveau du pouvoir, c’est-à-dire Hitler, accompagné donc de ses subordonnés, en particulier Himmler, Heindrich, qui sont les pivots de la solution finale, la décision politique a été prise d’en finir, comme disait Himmler, avec ce peuple5. 

Voilà pourquoi l’auteur Thomas Fontaine déclare que fin octobre 1941, 

l’expression la “Solution finale de la question juive” ne traduit plus la volonté d’expulser massivement les Juifs, mais leur élimination physique et systématique : un génocide devant s’étendre à tout le continent6.

Soit, mais alors il faut être cohérent : les tueries perpétrées par les Einstazgruppen pendant l’été puis au début de l’automne 1941 ne peuvent plus être considérées comme la première étape de la Shoah. Autrement dit, elles ne sont pas la preuve qu’une extermination systématique de tous les Juifs aurait été ordonnée. Une courte vidéo antirévisionniste publiée par ConspiracyWatch le confirme : 

L’extermination des juifs à proprement parler commence en 1941, avec les massacres perpétrés à l’Est par des commandos spéciaux, les Einsatzgruppen. Puis le régime hitlérien décide d’étendre l’extermination à tous les juifs d’Europe : c’est la solution finale. Les juifs sont traqués et acheminés de force dans des centres de mise à mort où ils sont, dans leur écrasante majorité, assassinés dans des chambres à gaz, puis incinérés dans des fosses ou des fours crématoires7

Le génocide à l’échelle du continent aurait donc vu un changement de méthode. C’est précisement ce qu’indique l’historien Joël Guedj :

pour les nazis, les assassinats de masse perpétrés par ces groupes mobiles de tueurs restent trop limités géographiquement, et parfois difficilement supportables pour les exécutants. Une politique plus rationnelle et moins voyante s’avère vite nécessaire8. 

Anne Grynberg parle de « franchir un nouveau pas pour organiser une entreprise d’extermination systématique, menée à grande échelle avec des procédés technologiques les plus modernes9. » Ce nouveau pas aboutira aux “chambres à gaz” : 

une structure totalement nouvelle voit ainsi le jour : le « centre d’extermination » ou « centre de mise à mort ». Les victimes doivent être acheminées dans un lieu secret […] où elles sont gazées de manière anonyme, en groupes10

La conclusion s’impose : les massacres commis à l’Est ne sont pas la Shoah. La Shoah, c’est avant tout le « camp d’extermination » avec ses “chambres à gaz” homicides. Sans ces locaux de mort, pas de Shoah.